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Le scribouillard

Le journaliste défend, paraît-il, la liberté de pensée et la démocratie. Quand les hordes nostalgiques du Maréchal viendront restaurer l'ordre, la discipline et les valeurs de l'occident chrétien, il se dressera héroïquement armé de son seul stylo, et écrira que ce n'est pas bien. Ceux qui auront déjà filé dans le Vercors avec leur pétoire ne liront pas sa prose, mais c'est l'intention qui compte.

En attendant son heure de gloire, le journaliste doit noircir du papier pour gagner sa croûte. Seulement voilà : écrire des conneries à longueur de journée, ça n'est pas facile. Voyez donc à quelle vitesse d'escargot avance ce site !

Il lui faut parfois pallier le cruel manque d'inspiration en racontant les pires conneries ou en recopiant ce que d'autres ont déjà écrit.
Une bonne méthode qui a fait ses preuves depuis que la presse existe consiste à remettre en forme la propagande les "communiqués de presse" concoctés par le gouvernement, les grandes sociétés ou l'OTAN. Ceci a le mérite d'être correct vis à vis du "fournisseur". Ça l'est moins vis à vis du lecteur, qui finit par trouver la ficelle un peu grosse et doute de l'indépendance de la presse, mais on ne peut pas tout avoir. Ce n'est pas avec ça qu'on gagne le prix Pulitzer, en tout cas.

Heureusement, au début des années 90 apparut le plus fantastique bordel jamais conçu par l'humanité : le web. Le rêve : finie l'angoisse de la page blanche ! C'est à la mode, ça a l'air vrai, son côté "domaine public" fait que tout le monde s'assoit sur le respect de la propriété intellectuelle, et on est sûr de ne jamais tomber à cours d'idées stupides dans une telle mine.
Tout n'y est pas mauvais : la qualité de certaines pages n'a pas échappé à un chroniqueur de talent, qui se serait empressé de les recycler, ce qui a fortement déplu à leur auteur.
Finalement, dans cette histoire, tout le monde est content : le lecteur qui s'ennuyait après avoir fini les mots croisés, le chroniqueur qui s'est fait du blé avec ses articles et refait du blé avec son bouquin, et l'auteur plagié qui a trouvé une bonne occasion de déverser son fiel.

Quand il ne pirate pas, le scribouillard dévoile à son lecteur que le gouvernement nous cache tout et que notre société est sur le point de s'écrouler, que la planète va bientôt exploser, qu'El Qaida et le Hamas s'échangent les plans de la bombe atomique dissimulés dans des images zoophiles mettant en scène Bill G. et un pingouin, que le WAP est une technologie d'avenir et BeOS le système de demain.
Le lecteur a peur la première fois, sourcille la deuxième, et baille ensuite. Le scribouillard se dit qu'il va falloir trouver un autre filon... Décidément, rien n'est parfait.

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Vengeur Masqué
Last modified: Sun Jan 19 13:00:57 CET 2003